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Mon premier bébé


Gina Scarito - 13 septembre 2023 - 0 comments

La nouvelle

Au cours du printemps 1993, je découvrais sur un test de grossesse que j’étais enceinte de mon premier enfant. Je me rappelle de la petite barre bleue que je regardais incrédule en relisant le mode d’emploi du test pour être sûre du résultat, de la lumière douce qui passait par la lucarne de la cuisine une fin d’après-midi, de notre petit appartement sous les toits et de ne notre joie, de notre étreinte. Nous avions parlé d’avoir un bébé dès le début de notre histoire d’amour deux ans auparavant. C’était une évidence.

Comme sur un bateau

Très vite, j’ai souffert de nausées et de vomissements. J’étais extrêmement fatiguée et le monde tanguait, jour et nuit, pendant des semaines. Au bout d’un mois, je désespérais. J’étais incapable de faire quoi que ce soit. Même pas de lire un livre, moi qui ai toujours été une grande lectrice. J’ai puisé dans la collection de BD de mon homme, mais même là, je n’étais capable que de lire les « Astérix et Obélix ».  On en rit encore aujourd’hui. J’étais pourtant chanceuse. Après notre long voyage en Asie, Philippe avait trouvé un travail et nous avions décidé que je ne travaillerais pas pendant ma grossesse. Notre mariage était prévu à l’automne. Nous avons pris un rendez-vous avec un gynécologue privé que l’on nous avait recommandé à proximité de chez nous pour qu’il confirme la grossesse. Je n’ai aucun souvenir de son visage ni de son nom. L’accueil était froid, clinique. Je devais monter sur la table, les pieds dans les étriers et il a fait une échographie. Nos mains étaient enlacées. Nos larmes ont coulé en entendant le petit cœur battre et en voyant la petite silhouette dans le brouillard. Les échographies, il y a trente ans n’étaient pas encore en trois D. Nous sommes ressortis avec la photo. Je n’avais aucune envie de retourner dans ce cabinet. Je ne me sentais pas du tout concernée par ce que ce médecin disait de la suite, du suivi de la grossesse et de l’accouchement.

Accoucher à la maison ?

Dès que j’ai su que j’étais enceinte, j’ai dit à Philippe que j’aimerais accoucher à la maison. Cette idée l’inquiétait beaucoup et lui semblait marginale. Cela lui faisait peur, peur pour moi et pour le bébé. Il lui semblait plus prudent d’accoucher à l’hôpital, n’était-ce pas ce qui se fait ? Ma meilleure amie avait accouché à la maison d’une petite fille un an et demie avant. Cela s’était très bien passé même si elle m’avait parlé de l’intensité et de la douleur qu’elle avait traversé. J’avais rencontré Colette sa sage-femme à plus d’une reprise. Une dame de la cinquantaine, une ardennaise, qui m’avait touchée et impressionnée. Colette avait déjà accouché les enfants de ses amies Claudine et Manon. Ces naissances dans l’intimité et la force que j’avais perçue chez ces femmes m’inspiraient. J’ai alors fait un pacte avec Philippe. Je voulais que l’on vive la grossesse et la venue de notre bébé ensemble, d’une manière qui nous corresponde à tous les deux. Avant tout, j’avais besoin de lui, de vivre cette aventure avec lui et que nous prenions nos décisions de futurs parents ensemble. Je lui ai proposé de prendre rendez-vous avec Colette et qu’il puisse poser toutes les questions qui le taraudaient. Si à l’issue de ce rendez-vous, il avait encore des craintes, nous chercherions un autre accompagnement et un hôpital pour l’accouchement. Nous avons fait le voyage une première fois jusque chez elle. Philippe devait prendre congé une journée. Nous avons pris le train pour Ciney. Après avoir pris un sandwich et un café dans un petit snack près de la gare, nous avons découvert une bouquinerie « Délire de lire » où j’avais acheté deux ou trois livres d’occasion sur la grossesse et le yoga.  Et nous nous étions mis en route à pied pour faire les 7 km qui nous séparaient du village de Hamoir. J’étais à environ 4 mois de grossesse et j’avais retrouvé toute mon énergie.

Sage-femme, femme sage

Colette nous a reçu dans son jardin autour d’une limonade. Elle nous a demandé comment nous voulions vivre la venue de notre bébé, ce qui était important pour chacun de nous. Philippe lui a posé toutes ses questions autour de la sécurité médicale, pour moi, pour le bébé, sur l’organisation d’un accouchement à la maison et ce que cela impliquait. Colette nous a expliqué comment elle pouvait nous accompagner. Nous devions venir la voir tous les mois pour faire le point sur ce que nous traversions, pour qu’elle vérifie que j’aille bien et que le bébé aille bien. Nous devions faire deux autres échographies obligatoires au cours de la grossesse, ainsi que l’une ou l’autre prise de sang et lui communiquer les résultats. Elle répondrait à nos questions, on se préparerait ensemble à l’accouchement tous les trois. En quittant Colette, Philippe était conquis et rassuré. Nous nous sentions en total accord. Nous allions accoucher à la maison avec Colette. Il y avait quelque chose de grisant dans ce choix. Nous devions nous impliquer bien plus à tous points de vue que si nous allions accoucher dans une maternité. A l’époque, c’était un choix très marginal en Belgique. Nous avons été très vite confrontés à la violence de la pression sociale et aux peurs de toutes et tous. Nous avons aussi vite compris que si nous voulions mener au bout notre projet, nous devions nous taire et garder le secret ou le partager qu’avec les plus proches ou des allié.e.s. Je me suis profondément questionnée sur mon choix, sur mes besoins à la fois d’autonomie et de sécurité pour accueillir mon enfant. A partir de ce moment, j’ai traversé ma première grossesse joyeusement, en confiance et en pleine forme, pour une large part, grâce à ma pratique du yoga.

L’accouchement

Ce premier accouchement a été une expérience magnifique. Douze heures d’une extraordinaire intensité et une expérience amoureuse, vécue au corps à corps avec le père de mon enfant. La venue au monde de notre premier fils au lever d’un jour d’hiver au ciel bleu clair et vif comme le regard de notre enfant. Au cours de cette première naissance, j’ai contacté une force que je ne me connaissais pas. Elle ne m’a jamais quittée. Je ne sais pas comment je ferais pour traverser tous les défis de ma vie de mère si je n’avais pas pu vivre cette expérience comme je le souhaitais. Une conviction est née en même temps que mon premier fils : les femmes devraient pouvoir choisir d’accoucher comme elles le souhaitent et ce quel que soit leur choix, qu’elles puissent être actrice de leur maternité pour la vivre d’une façon gratifiante.

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